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LES KUNST

Vingt ans pour en arriver là. La faute de personne. Moi toute seule, moi d'un bout à l'autre. Qui. D'abord la fille de l'épicier Lesur, puis la première de la classe, tout le temps. Et la dadaise en socquettes du dimanche, l'étudiante boursière. Et puis rien peut-être, tringlée par la faiseuse d'anges. Moi et les boîtes de flageolets dans la vitrine, le manteau rouille que j'ai porté trois ans, les livres, les livres, çui-là est-ce que tu l'as, l'herbe écrasée de la kermesse en juillet, la main douce, il ne faut pas... Des gens partout, titubants, gesticulateurs. Ils s'avancent, violacés, les mains pendantes, il en sort de tous les coins, les vieux kroumirs, les braques de l'hospice à côté, les vicieux toujours la main quelque part, ceux qui achètent du corned-beef et le font marquer dans le cahier.

— Annie Ernaux, Les armoirs vides. Editions Gallimard, 1973.

Annie Ernaux_El vernissatge_La culpa

Traducció 

al castellà

“Veinte años para llegar a esto. No es culpa de nadie. Solo mía, mía de principio a fin. De quién. Quién soy yo. Antes que nada, la hija del tendero Lesur, luego la primera de la clase, siempre. Y la tonta de los domingos con sus calcetines, la universitaria becaria. Y luego quizá nada más, penetrada por la abortera. Yo y las latas de alubias en el escaparate, con el abrigo naranja que he llevado durante tres años, los libros, los libros, ¿tienes este?, la hierba aplastada en la kermés de julio, la mano suave, no debo hacerlo… gente por todas partes, vacilantes, gesticuladores. Se acercan, violáceos, con las manos colgando, salen de todos los rincones, los viejos chochos, los chalados del asilo de al lado, los viciosos siempre con la mano en algún sitio, los que compran cecina y la dejan a deber”.

 

– Annie Ernaux, Los armarios vacíos, Cabaret Voltaire

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